16 octobre 2007

Prologue

Quand ils ont apprit quand aurait lieu la fin du monde, la prudence les a forcé dans un premier temps à ne rien révéler au reste du monde. Le contraire aurait été vraiment stupide.
Imaginez le tableau…Tous nos honnêtes citoyens explosant les vitrines des magasins à grands coups de canapés pour repartir les bras chargés d’écran plasma, ou bien tous les citoyens moins honnêtes répandant la terreur en vidant des chargeurs de revolver sur tout ce beau monde…
A quoi peut-on s’attendre dans ce genre de situation ? Pillage, fanatisme religieux, vague de suicide et autres réactions imprévisibles, aux conséquences des plus désagréables. L’histoire avait prouvé depuis un moment déjà à quel point l’homme est capable de faire des choses insensées lorsqu’on le pousse ne serait-ce que légèrement à bout…
Seulement la découverte de la date de péremption de la Terre n’a pas été faite par des gens tout ce qu’il y a de plus ordinaires… Non, elle est le fruit d’un travail laborieux, de calculs complexes qui s’étendent sur des lignes et des lignes, pleines de racines carrées, de nombres à vingt chiffres et d’autres symboles mathématiques qui ne sont même pas sensés exister pour le commun des mortels.
A quoi ressemble un individu capable de résoudre de tels calculs ? A ce niveau là il se concentre généralement plus sur l’intellect que sur son physique. La légende veut que s’il n’y a jamais eu la moindre photo des génies qui avaient réalisé un tel prodige dans les journaux, c’est que lorsqu’on les regardait ça avait tendance à faire piquer les yeux.
En tout ils se comptaient au nombre de dix. Les dix cerveaux les plus développés depuis des générations, combinant leur intelligence, leur savoir et leur opinion sur cette découverte, puis concentrés par la suite sur une question : Faut-il rendre ou non la découverte publique ?
Ils avaient toutes les données pour étudier les moindres éléments entrants en ligne de compte. De A à Z, tout fut passé à la loupe et pas une conséquence ne fut oubliée. A tel point qu’ils n’en gardèrent qu’une seule à l’esprit : le débridement sexuel total.
Lorsqu’on a passé sa vie devant un écran d’ordinateur ou une calculatrice et que l’on n’a jamais adressé la parole à un être de type féminin autrement qu’au téléphone lorsqu’il fallait commander une pizza, découvrir qu’avec la peur de mourir venait une libération des mœurs revêtait, au-delà de tout autre élément, une importance capitale. Cela non sans raison d’ailleurs. A ce que l’on en sait, en désespoir de cause six sur les dix ont fini par coucher ensemble, deux ont couché avec une femme, un avec une chèvre et le dernier dans un souci scientifique prononcé a accompli son devoir en étant la fameuse exception à la règle : il ne coucha avec personne. Sauf peut-être en rêve avec une quelconque héroïne d’anim japonnaise, mais on ne peut pas vraiment dire que cela compte.
La nouvelle de la fin du monde a donc été lâchée sur le globe.
Est-ce que ce fut la panique ? Oui, sans aucun doute !
Comme à un malade à qui l’on annonce sa mort prochaine, l’humanité fut mise au courant qu’il ne lui restait plus que quatre ans à vivre. Comme un malade, elle passa par les cinq étapes de l’acceptation.
Tout d’abord, le refus.
Bien que la nouvelle fit les premières pages de tous les journaux du monde, du « New York Time » à la « Gazette d’Alfred, chasse, pêche et techniques », on lui prêta autant de crédit qu’une alerte virale. La fin du monde c’était comme la grippe aviaire, moche de loin, inexistant de près…
Mais les calculs étaient là, comme une prédiction, une prophétie funeste et inévitable. Le 27 Avril 2012 à 18h31, le monde cesserait d’exister avec quelques mois d’avance sur le calendrier Maya.
Tout était une question de chiffre et d’observation. Un peu comme un phénomène cyclique, qui interviendrait à intervalles réguliers de plusieurs milliards d’années. Si bien que la seule chose connue était la date du phénomène. Une météorite géante s’abatant sur la Terre ? Une guerre nucléaire ? Des catastrophes naturelles en chaîne ? Une guerre interplanétaire ? Un virus mortel ? Tout restait à imaginer.
Une lutte contre la montre menant à la seconde étape : La colère.
Car enfin ce n’était pas juste ! Nostradamus, Saint Jean, les mayas, le type qui se balade sur l’avenue centrale de Georgetown en faisant peur aux touristes avec sa pancarte « Dieu te regarde, même sous la douche »… Ils avaient étaient des milliers à prévoir la fin du monde et ce serait à nous de la vivre ! Sur des milliers d’années d’existence de l’être humain, il fallait justement que nous soyons nés au moment où elle s’arrêterait ! Quelle mauvaise farce !
Au fond de la forêt amazonienne, une peuplade indienne fut filmée pour un documentaire retransmis pour NBC. A cause d’une mauvaise traduction, le chant d’amour du chaman local passa pour un appel à la destruction ultime. La colère du monde entier qui cherchait un bouc émissaire se reporta sur la tribu et provoqua en mois de quatre heures le génocide le plus rapide de l’histoire.
Cette bourde permit le passage à l’étape du marchandage.
Ce fut un grand moment de confusion, un plongeon dans la folie collective. Les gens se rendirent compte qu’il fallait profiter du temps qu’il leur restait… pour tenter d’en gagner. On pouvait peut-être retarder les choses, nettoyer le monde, les plages, les océans, utiliser enfin des déodorants en bille plutôt que des aérosols…
Les croyances de chacun étant ce qu’elles sont, on vit les gens courir nus dans les rues, se coucher par terre avec des sacs en papier sur la tête, s’immoler, s’enfermer dans des bunkers… Mais surtout, quitter leur emplois, prendre des crédits qu’ils savaient ne jamais rembourser et partir visiter le monde, envahir Disneyland…
« Carpe diem » apparu dans tous les magazines féminins et pré-pubères comme la nouvelle expression à la mode, détrônant même dans la bouche des jeunes le célèbre et non moindre « geeeeenre ». Une partie de cette population continua malgré tout à ce demander ce que voulait bien signifier cette histoire de poisson…
La fin du monde fut rapidement considérée comme une bonne chose, elle reçu même un prix de mérite. Dans les premiers temps l’économie monta en flèche, tout le monde achetant ce dont il avait toujours rêvé. Le suicide, qui était avant tout cela la dernière mode et qui avait vu son nombre croitre de manière exponentielle tous les ans, s’arrêta presque. Le petit nombre restant incombant au fameux honneur des japonais…
Cette période là ne dura pas : la période de dépression pris le relais.
Les porte-clefs en plastique fluorescents à l’effigie de la tour Eiffel, de la statue de la liberté ou du Dalaï Lama furent rapidement en rupture de stock et les usines qui les fabriquaient désertée par leurs salariés. Pour beaucoup l’envie de voyager passa avec l’absence de babioles à rapporter en guise de souvenir.
Il devint aussi difficile de voyager, toutes compagnies aériennes ou maritimes ayant arrêté leurs offres devant le manque d’employés encore présents et capables de conduire leurs appareils…
Lorsque l’on trouvait un moyen de rentrer chez soi on saisissait sa chance et dépité, on poussait la porte du salon pour s’affaler devant la télé se rendant compte que plus rien de valait la peine. A quoi bon apprendre enfin le tricot ou à conduire une formule 1, ça n’apportait finalement pas grand-chose…
La situation pris enfin tout son sens et pour tous. Un an avant la fin du monde, l’humanité entière s’était accordée sur un souhait commun : à ce point là, autant abréger ses souffrances non ?
La solution à ce problème vînt d’une source inattendue : la mafia. Elle se chargea en effet de déverser sur le monde un stock de drogue monumental à prix bradé qui permit au moins à la moitié du monde d’être perchée et, à défaut d’être heureux, de ne même plus comprendre ce qu’il se passait autour d’elle. On n’en demandait pas plus pour entrer dans la phase finale d’acceptation…
Vu le niveau où était descendu l’humanité, je ne doute pas qu’avec quelques années de plus les chimpanzés seraient passés au rang d’espèce la plus évolué de la Terre, ce malgré notre présence. Cette compétition se voyait malheureusement annihilée brusquement le 27 Avril.
Ce qu’il s’est passé ?
En vérité je l’ignore, la fin du monde, je l’ai en quelque sorte… loupée.

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